DISTORSIOMETRE AUDIO
Projet publié dans la revue Electronique Pratique n°309 d'octobre 2006 sous le titre: "Distorsiomètre Audio Analogique"
LA MESURE DE LA DISTORSION
Afin de compléter l’équipement de notre laboratoire de mesure, nous abordons la réalisation d’un distorsiomètre. Le projet est entièrement analogique. Il permet la mesure du taux de distorsion des amplificateurs sur toute la gamme audio et peut mesurer des taux aussi faibles que 0,01%. Le principe est basé sur la comparaison entre le signal de pilotage de l’amplificateur et le signal amplifié. Cette réalisation n’utilise pas de filtres à circuits accordés qui sont souvent source de frustration même pour les bricoleurs les plus avertis.
Schéma de principe
Il existe de nombreuses méthodes pour mesurer la distorsion d’un quadripôle. Historiquement, la plus répandue consiste à faire passer le signal dans un filtre réjecteur accordé sur la fréquence fondamentale afin de l’éliminer et de ne conserver que les harmoniques, les bruits et ondulations. La mise au point de ce type d’appareil est complexe car elle requiert la mise en œuvre de circuits accordés en pont qui couvrent toute la gamme de mesure et exige la balance exacte du pont. Tous ces réglages se retrouvaient sur la face avant souvent démultipliés en réglage grossier et fin. Les techniques modernes sont basées sur l’échantillonnage numérique du signal et son analyse par ‘’Transformée de Fourier’’. C’est la méthode utilisée sur les ‘’Cartes Son’’ haut de gamme des ordinateurs personnels. Elle permet également une représentation spectrale.
Afin d’éviter l‘écueil des circuits accordés, nous avons opté pour une méthode de comparaison. Le signal de pilotage de l’amplificateur est comparé au signal amplifié et la différence résultant de l’altération occasionnée par l’ampli est mesurée.
Le schéma bloc met en évidence la simplicité du concept.
Pour comparer deux signaux afin d’en extraire leur différence, il faut impérativement qu’ils aient la même amplitude et qu’ils soient en exacte opposition de phase. On peut alors les additionner et amplifier le signal résiduel pour le quantifier.
L’adaptation correcte de l’amplitude peut être faite simplement par un système atténuateur. Le réglage ‘’Zéro Amplitude’’ ajuste le niveau du signal mesuré à celui du générateur.
Il faut tout d’abord prévoir la possibilité d’inversion, en effet, le signal de sortie de l’ampli peut être en phase ou en opposition de phase selon le schéma utilisé. C’est le rôle de IC2. La réponse en phase dans un système amplificateur n’est pas constante. En effet, si nous spécifions les amplificateurs en termes de bande passante: par exemple +0 / -0,5 dB de 20 Hz à 20 kHz, nous omettons souvent d’en caractériser la phase.
Or cette phase varie le long de la gamme audio. La figure 2 nous montre la variation de phase d’un amplificateur à transistors ‘’haut de gamme’’.
La réponse en amplitude de cet ampli est comprise dans une fourchette de 0,1 dB entre 10 Hz et 25 kHz, alors que la variation de phase atteint 14° dans la même gamme.
Ce phénomène est dû d’une part aux couplages capacitifs qui provoquent une avance de phase aux fréquences basses et d’autre part à la fréquence de coupure haute qui provoque un retard de phase. Ce phénomène de rotation de phase est encore accentué sur les amplificateurs non contre-réactionnés et sur les amplificateurs à tubes, le transformateur de sortie étant le maillon faible. La figure 3 montre les divers états de phase d’un amplificateur à tubes à sortie par transformateur. La courbe du haut est celle du générateur, celle du bas la sortie de l’amplificateur.
Le tableau en figure 4 vous donne un rapide aperçu de l’équivalence temporelle du déphasage. Exemple: à 20 kHz, ou 50 µSec, un retard de phase de 8 ° (comme montré sur le graphe en figure 2) correspond à un retard de 8 x 0,14 µSec soit 1,2 µSec.
Le réglage ‘’Zéro Phase’’ permet d’avancer ou de retarder la phase du signal analysé afin d’en assurer l’exacte opposition.
Un amplificateur à gain programmable de 1, 10 et 100 conditionne le signal résiduel avant d’être affiché.
Attention, ce concept n’est pas utilisé dans les appareils professionnels car il souffre d’une limitation: La comparaison de deux signaux ne permet pas la mesure de la distorsion d’une source. La mesure de la distorsion du seul générateur n’est pas possible. Par contre, avec le concept de comparaison, le taux de distorsion propre du générateur n’a que peu d’influence sur la mesure.
Le circuit est présenté en figure 5 et met en œuvre une série de OPA604. Le signal du générateur est routé directement vers la sortie pilote afin d’exciter l’amplificateur. L’amplificateur opérationnel (AOP) IC4 est câblé en gain unitaire et pilote la cellule de compensation de retard P2-R14-C4. Ce réglage ‘’Zéro Phase’’ avec le switch S3 en position ‘’Retard’’ provoque un retard programmable entre 0,25 µSec et 20 µSec. L’AOP IC5 reçoit le signal déphasé et l’envoie sous une impédance nulle vers R16 pour comparaison avec le signal de test.
Le signal à tester subit d’abord une adaptation de son amplitude afin de présenter à IC1 un signal d’amplitude égale au générateur, c’est le réglage ‘’Zéro Amplitude’’.
Le signal de test ne peut en aucun cas être inférieur au signal du générateur. L’interrupteur S1 ‘’Direct – Inversion’’commande le relais K1 qui met en service l’AOP IC2 si l’inversion du signal est requise. Le combinateur S3 en position ‘’Avance’’ active les relais K5, K6 et provoque un retard programmable dans le circuit de test. La cellule de compensation d’avance P2-R9-C2 est en fait une cellule à retard, mais insérée dans le circuit de test, elle permet la compensation de l‘avance de phase aux fréquences basses de 0,05 µSec à 50 µSec. Comme les 50 µSec ne se révélèrent pas suffisants pour descendre jusqu’à 20 Hz, particulièrement avec les amplificateurs à tubes, nous avons ajouté la possibilité de commuter une capacité supplémentaire C11 de 0,1 µF. Le combinateur S3 en position ‘’Avance +’’ compense une avance programmable de 5 µSec à 5 mSec. Ceci permet de rattraper une avance de phase 36° à 20 Hz.
L’AOP IC3 reçoit le signal de test et l’envoie pour comparaison vers R11. Le couplage capacitif des deux entrées C1-R3 et C3-R12 doit être rigoureusement le même, car il induit une avance de phase aux fréquences basses. Une différence de constante de temps à ce niveau demandera une compensation supplémentaire.
Le signal résiduel apparaît à la jonction de R16 - R11 et est dirigé vers le circuit de mesure. Ce signal peut être très faible : un taux de distorsion de 0,1% implique un signal résiduel inférieur de 60 dB en C5.
Les AOP IC6 et IC7 produisent chacun un gain de 10. Ces facteurs d’amplification de 1, 10 et 100 sont commandés par le combinateur en positions ‘’100%, 10% et 1%’’ et activés par les relais K3 et K4. L’AOP IC8 fixe le niveau de mesure à 100%. En effet, l’amplitude du signal du générateur (et du test) peut varier, elle est idéalement comprise entre 0,5 Vac et 2 Vac. De plus la cellule de retard / avance induit également une altération de l’amplitude. Cette amplitude influe directement sur le niveau du signal ‘’différence’’. En présence d’un seul signal, l’affichage indiquera le niveau nominal de comparaison. Le relais K2 activé par le combinateur en position ‘’Cal’’ coupe le signal de test. Seul le signal du générateur est alors présent et le réglage ‘’Cal’’ est assuré par P3 qui fait varier le gain de IC8 de 0 à +20 dB (10x).
Le circuit intégré IC9 est un convertisseur RMS de type AD736. Cet intégré restitue une tension de 1 Vdc en sortie pour une excitation de 1 Vac RMS en entrée en broche 2.
Le réglage de P5 se fera, le potentiomètre ‘’Cal’’ au minimum, en injectant 2 Vac / 1 KHz dans l’entrée ‘’Gen’’. P5 est ajusté pour indiquer 100 sur l’afficheur numérique.
Le combinateur commute également les deux points décimaux DP1 et DP2.
Le modèle choisi est une EMV1125 de la série des afficheurs numériques de Lascar.
A la sortie de l’AOP IC8, nous retrouvons le signal résiduel à un niveau mesurable.
La sortie ‘’Out’’ permet de monitorer le signal résiduel par un voltmètre AC externe ou un oscilloscope. La visualisation sur un oscilloscope permet d’affiner encore le réglage des paramètres d’amplitude et de phase, et nous donne une bonne indication des harmoniques présentes dans le signal testé. La figure 6 nous montre une visualisation type. La courbe du haut est celle du générateur, celle du bas la distorsion sur la gamme 1% prise à la sortie ‘’Out’’. On notera la présence de l’harmonique 2.
Comme il y a deux inconnues : l’amplitude et la phase, les deux réglages de zéros sont interactifs. Pour la grande majorité des mesures, la gamme 10%, qui permet la lecture à 0,1%, est la plus aisée. La gamme 1% marque un ‘’zéro’’ plus pointu et peut demander plus de doigté.
Le circuit d’alimentation est de facture classique et se passe de commentaires. Il met en œuvre les régulateurs 7812 et 7912. Les deux tensions de + 4,7 Vdc et – 4,7 Vdc alimentent l’afficheur numérique en symétrique.
Le boîtier mesurant 202 x 178 x 88 mm est disponible chez Radiospares sous la référence 223-972. Ce boîtier étant obsolète il est remplacé par le 754-5979. Deux profilés aluminium de 195 x 10 x10 x 1 mm fixés sur les oreilles du boîtier maintiennent le circuit imprimé (figure 8 – photo 2).
La carte est centrée sur les profilés, mais son positionnement n’est pas critique.
Il est toutefois avantageux d’effectuer les perçages avant d’équiper la carte.
L’usinage de la face avant est présentée en figure 9 et peut être sous-traitée par la société Schaeffer (figure 10). A la demande nous vous enverrons le fichier gracieusement.
Les photo 3 et photo 4 présentent l’agencement et le câblage des divers composants fixés sur la face avant. Le mètre est maintenu par deux ressorts fixés à deux cosses à œillets collées à l’époxy. L’afficheur numérique ne nécessite que le perçage d’un trou de 5,5 mm.
Afin d’éviter de faire circuler le 230 Vac du secteur dans l’appareil, nous avons placé l’interrupteur de mise sous tension, le fusible et le socle secteur sur la face arrière.
Typon à l'échelle 1
Le circuit imprimé (figure 12 et photo 5) mesure 152,5 x 99 mm. Le raccordement aux divers éléments se fait par picots et cosses, la carte est ainsi libre de fils et peut être travaillée aisément.
Après s’être assuré du bon placement du CI dans l’appareil, nous pouvons commencer le montage. Il faut d’abord insérer les 29 picots mâles de 1,3 mm et les 12 pontages.
A noter: les picots de commande des relais K1 à K6, et la diode D7 sont situés sous la carte (photo 2).
Le montage des éléments des quatre sections : alimentation, générateur, test et mesure et leur test se font progressivement. L’alimentation est montée et testée en premier lieu. Les deux régulateurs doivent être refroidis. Ils sont fixés sur un morceau de cornière aluminium de 35 x 20 x 10 x 2 mm et le 7912 doit être isolé électriquement. Ensuite, on assemblera IC4, IC5 et leurs composants périphériques y compris R16. Les points A et B autour de K6 sont court-circuités et un signal de 1 kHz / 1 Vac en entrée restitue un signal identique sur IC5 broche 6. De même pour IC1, IC2 et IC3 et leurs composants périphériques jusqu’à R11, un signal de 1 KHz / 1 Vac en entrée restitue un signal identique en IC3 broche 6. L’activation de K1 inverse le signal, celle de K2 et K5 le coupe. On terminera par l’assemblage et le test de la ligne de mesure. Court-circuiter les points X et Y. Un signal de 1 kHz / 2 Vac sur l’entrée de test restitue un signal de 1 Vac à la jonction R11-R16. Les relais K3 et K4 au repos, le signal n’est pas amplifié et attaque directement le convertisseur AD736. Vérifier la présence en broche 6 de IC9 d’une tension de 1 Vdc. Ramener la tension d’entrée à 20 mVac et tester les amplis IC6 et IC7. L’activation des relais K3 et K4 amplifie le signal respectivement d’un facteur 10 et 100. La carte est bonne pour le service et peut être installée dans l’appareil.
La carte est fixée sur les profilés aluminium et raccordée aux divers éléments.
Les photos suivantes sont assez parlantes et les quelques liaisons pouvant présenter des difficultés d’identification sont marquées sur le schéma et la sérigraphie du circuit imprimé.
Vue de haut: photo 6
Vue de l’arrière: photo 7
Vue de l’avant: photo 8
Le transformateur est monté sur une cornière aluminium de 200 x 15 x 30 x 2 mm (photo 8). Ces divers profilés sont disponibles dans les rayons ‘’bricolage’’ des grandes surfaces.
Comme cet appareil est destiné à mesurer des signaux très faibles, nous avons soigné particulièrement les masses (photo 9). La carte est raccordée au boîtier en un seul point situé entre les deux entrées, à côté de C5. Les 4 côtés sont également raccordés électriquement, en effet la peinture très solide et bien isolante ne permet pas le contact électrique entre les divers éléments. De même le trou de fixation arrière gauche de chaque capot est décapé à l’aide d’une mèche et recevra une vis M4 à tête conique.
La mise au point n’est pas critique, en effet, il s’agit de mesures relatives.
Positionner le combinateur sur ‘’Cal’’, les trois potentiomètres au minimum et le switch S3 sur ‘’Avance’’. Injecter un signal sinusoïdal de 1 kHz / 2 Vac et ajuster P5 pour indiquer 100 sur l’afficheur numérique et ajuster P4 pour une indication de 10 sur le mètre. L’imprécision de ce type de mètre est patente et peut atteindre les 20 %, par contre pour la recherche du ‘’Zéro’’, il se révèle bien utile. Vérifier enfin la présence du signal à 1 Vac sur la sortie ‘’Out’’.
Le schéma bloc en figure 1 et la photo 10 montrent le ‘’Set-up’’ de mesure.
Préalablement positionner les trois potentiomètres au minimum, le combinateur sur ‘’Cal’’ les switches S1 sur ‘’Direct’’, S2 sur ‘’3V’’, S3 sur ‘’Retard’’. Ajuster la tension et la fréquence du générateur pour exciter l’amplificateur au niveau souhaité. Régler le potentiomètre ‘’Cal’’ pour un affichage de 100. Positionner le combinateur sur ‘’100%’’ et ajuster le potentiomètre ‘’Zéro Amplitude’’ en recherchant un minimum sur le mètre. Si l’indication au mètre augmente au lieu de diminuer, c’est que votre amplificateur inverse le signal, dans ce cas il faut basculer le switch S1 sur ‘’Inversion’’. Rechercher le minimum en ajustant les deux potentiomètres de ‘’Zéro’’.
Si le minimum ne peut être atteint avec le ‘’Zéro Phase’’ au minimum, positionner S3 sur la position ‘’Avance’’ et chercher le minimum. L’inflexion ‘’avance – retard’’ se produit en général entre 100 et 1000 Hz (figure 2). Si le déphasage en basse fréquence est plus important, ce qui est le cas des amplificateurs à tubes équipés d’un transformateur de sortie (figure 3), il y a lieu de positionner S3 sur ‘’Avance+’’. Augmenter si nécessaire la sensibilité du système en passant à la gamme 10%. Quand le minimum est atteint, vérifiez en position ‘’Cal’’ si l’afficheur indique toujours 100% et réajuster au besoin le potentiomètre ‘’Cal’’. L’affichage du taux de distorsion vous donne alors la mesure exacte en %.
La gamme 1% permet des mesures à 0,01% mais nécessite un générateur et un amplificateur bien stable. En cas de mesures à forte puissance, on utilisera la gamme 30V du switch S2. L’atténuateur d’entrée en position 30V supporte une tension de 100 Vac.
Ce distorsiomètre se révèle le complément idéal du générateur (photo 10) déjà décrit précédemment dans le EP 299 du mois de novembre 2005 et au projet 09 sur notre site. Les mesures réalisées à l’aide de cet appareil ont été comparées à deux autres distorsiomètres de marque et les écarts ne dépassent pas les 5 %, ce qui pour une mesure de distorsion est excellent.
Les figure 13 et figure 14 vous présentent quelques mesures et les caractéristiques techniques de notre prototype.
Liste des composants
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Récapitulatif des photos (Haute définition)