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Etude comparative de quelques étages de sortie pour préamplificateurs

Projet publié dans la revue Electronique Pratique n°383 de juin 2013 sous le titre "Etude comparative d'étages de sortie pour préamplificateurs"

Le rôle de l’étage de sortie d’un préamplificateur est de transférer le signal sous une faible impédance et avec un minimum de distorsion.
L’étude met en œuvre quelques circuits bien connus de nos lecteurs : la Cathode Suiveuse, le µ-follower, le White Cathode Follower et le SRPP, cette étude n’est évidemment pas exhaustive.
Quelques rappels théoriques feront rapidement place à la pratique.

En naviguant sur la toile, on peut trouver force descriptions de ces montages, mais la plupart du temps les éléments réellement utiles sont noyés voire oubliés par des considérations éminemment subjectives, si pas fumeuses ….

Nous nous attacherons à rester objectifs et à démontrer par les mesures la pertinence des formules et leur utilité pratique.


Le cathode follower

Le cathode follower est le circuit le plus répandu et le plus facile à mettre en oeuvre.
Il peut être à polarisation fixe ou à polarisation automatique et ne nécessite qu’une seule triode.
Schéma du cathode follower à polarisation fixe
Schéma du cathode follower à polarisation automatique
Quelques rappels : un tube se caractérise par sa résistance interne « Ri », ou « Rp » ou « ρ », son facteur d’amplification « µ » et sa pente « S »  aussi appelée transconductance exprimée en mA/V.
La relation entre ces trois caractéristiques : µ=Sxρ
Ainsi pour une 6922 (E88CC) : sous Va=100 Vdc et  Ia=15 mA nous pouvons lire dans la feuille de donnée : µ= 33,  S=12,5 mA/V  et ρ = 2700 Ω caractéristiques qui vérifient la relation exprimée ci-dessus.
L’impédance de sortie est définie par la formule : Zout = ρ / (µ+1) si … Rk a une valeur infinie (&).
Pour la 6922 :  Zout = 2700 / 34 = 79,5 Ω.

Nous verrons en pratique qu’il y a une certaine dispersion dans les mesures. Pour les facteurs d’amplification  élevés (µ>20) on caractérisera l’impédance de sortie par la formule approximée : Zout = 1/S.
En pratique il y a une résistance Rk entre la cathode et la masse, et cette résistance vient se placer en parallèle avec l’impédance Zk, réduisant l’impédance de sortie selon la formule des résistances parallèles : Zout = (Zk x Rk) / (Zk + Rk)
L’impédance de sortie d’une triode montée en cathode suiveuse se calcule donc comme suit : Zout = [Rk*(Rp+Ri)/(µ+1)] / [Rk+(Rp+Ri)/(µ+1)]
En plaçant une résistance de 10 kΩ entre cathode et masse, l’impédance de sortie devient: Zout = (79,5 x 10000) / (79,5+10000) = 78,9 Ω
Avec Rk= 1 kΩ : Zout = 73,6 Ω.

On pourrait imaginer diminuer la résistance Rk, toutefois il y une autre relation qui fixe le gain du circuit: A = (µ x Rk) / (ρ + Rk(µ+1))
et si le gain est quasi unitaire pour Rk = &, pour Rk = 1 kΩ, le gain ne vaut plus que : A = 33000 / (2700 + 34000) = 0,90
De plus une résistance Rk trop faible augmente sensiblement le taux de distorsion.
Si l’impédance de sortie mesurée fait bien 80 Ω, la tension de sortie maximale n’atteint que 1 Vac avant clipping.
La raison est simple : le cathode follower tout comme les circuits suivants sont des montages asymétriques et si pour les alternances positives, la triode entre en conduction et peut débiter un certain courant, par contre pour les alternances négatives le courant est limité par la charge de cathode qui fait plusieurs dizaines de kΩ, ici 10 kΩ.

Les tensions maximales relevées avant clipping (DHT = 2%) pour le circuit de la figure 1 sont les suivantes :

Charge en sortie

Tension de sortie max

Gain

85 Ω

1 Vac

0,50

600 Ω

4 Vac

0,85

1000 Ω

7,2 Vac

0,90

2400 Ω

15 Vac

0,94

4700 Ω

26 Vac

0,96

10 kΩ

38 Vac

0,97


La mesure pratique du circuit présenté en figure 1 donne un taux de distorsion de 0,03 % pour 3 Vac et 0,01 % pour 1 Vac en sortie.
L'amplitude maximale de sortie sans charge atteint 155 Vpp pour 2% de DHT.   
Mesures et graphes du cathode follower


Le µ-follower

Schéma du µ-follower
Le µ-follower est composé de deux tubes, la résistance de pied étant considérée comme une charge active, il faut deux triodes mais pas nécessairement identiques, c’est pourquoi on rencontre des circuits composés d’une triode et d’une tétrode ou pentode, voire d’un MOSFET.
Pour de larges variations de tensions, la tension Vgk reste constante et le tube du haut peut-être assimilé à une source de courant.
Ce faisant le tube du bas voit sur son anode une charge quasi infinie et son gain est directement égal à son facteur d’amplification : A = µ.
Ce montage présente donc un gain maximum, une excellente linéarité et donc un faible taux de distorsion, pour une impédance de sortie de type cathode follower.
Comme on le voit, le courant qui circule dans les deux triodes ne peut pas être très élevé en raison de la présence de la résistance d’anode de 47 kΩ. Ce faible courant limitera drastiquement la tension maximale disponible en sortie.

Pour pallier à ce problème, il y a lieu d’ajouter une résistance entre la cathode du haut et la masse afin de faire circuler un courant plus important dans le tube du haut (figure 4).
Une résistance R7 de 22 kΩ draine un courant de 8,7 mA et l’impédance interne chute à 150 Ω.
Dans cette configuration le µ-follower bénéficie d’un gain de 28 dB.

Tout comme le cathode follower, le µ-follower malgré sa basse impédance de sortie ne peut débiter des courants importants ce qui limite la tension maximale de sortie avant clipping (DHT = 2%) à :

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

150 Ω

640 mVac

46 mVac

22,8 dB

600 Ω

4 Vac

170 mVac

27,4 dB

1000 Ω

7 Vac

300 mVac

27,5 dB

2400 Ω

18 Vac

680 mVac

28,4 dB

4700 Ω

30 Vac

1,1 Vac

28,7 dB


Le taux de distorsion pour un signal en sortie de 3 Vac sur une charge de 4,7 k
Ω est inférieur à 0,01% et l’amplitude maximale sans charge atteint 220 Vpp pour 3 Vac en entrée !
Le temps de montée fait 1,2 µSec, soit une fréquence de coupure de 300 kHz à –3 dB. 
Mesures et graphes du µ-follower


Le White Cathode Follower

Schéma du white cathode follower
Le white cathode follower est essentiellement un cathode follower « violemment » contre-réactionné.
Le signal repris sur l’anode de tube supérieur est entièrement réinjecté sur la grille du tube du bas.
L’impédance de sortie Zout = 1/S est de ce fait réduite d’un facteur équivalent au produit des facteurs d’amplification des deux tubes ce qui donne une valeur théorique proche de 0 Ω. Le gain est au maximum unitaire.
Le schéma de la figure 6 présente deux configurations : une charge d’anode de 47 kΩ drainant un courant de 2,6 mA et une charge d’anode de 10 kΩ drainant un courant de 10 mA.
Les impédances de sortie mesurées valent respectivement : 45 Ω et 10 Ω !

Tableau des tensions maximales de sortie avant clipping (DHT = 2%)
R3 = 47 kΩ Ia = 2,6 mA

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

45 Ω

74 mVac

37 mVac

0,50

600 Ω

1,2 Vac

1,08 Vac

0,90

1000 Ω

2 Vac

1,88 Vac

0,94

2400 Ω

8 Vac

7,6 Vac

0,95

2700 Ω

10 Vac

9,5 Vac

0,95


R3 = 10 kΩ Ia = 2,6 mA

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

10 Ω

74 mVac

37 mVac

0,50

600 Ω

5,8 Vac

5,57 Vac

0,96

1000 Ω

10 Vac

9,6 Vac

0,96

2400 Ω

20 Vac

19,20 Vac

0,96

4700 Ω

32 Vac

30,7 Vac

0,96


Le taux de distorsion pour un signal en sortie de 3 Vac sur une charge de 4,7 k
Ω est inférieur à 0,006% et l’amplitude maximale sans charge atteint 170 Vpp.
Le temps de montée atteint 500 nS soit une fréquence de coupure de 700 kHz.
Mesures et graphes du white cathode follower


Le SRPP

Le SRPP a été breveté (US Patent 2.310.342) en février 1943 sous le titre ’’Series-Balanced Amplifier’’.  Peu ou pas utilisé pendant de longues années, il a été redécouvert dans les années 1990 pour ses caractéristiques exceptionnelles dans le domaine audio et se nomme aujourd’hui ‘’Series (ou Shunt) Regulated Push Pull’’.
La 6922 (E88CC) peut supporter un courant plus important (25 mA) que ses consœurs ECC81 et ECC82, de plus elle a été développée pour fonctionner avec une tension d’anode plus faible, de l’ordre de 90 Vdc (135 Vdc max), elle possède une pente assez raide S = 12,5 mA/V et une résistance interne r = 2,7 KΩ et un facteur d’amplification µ= 33.
Toutes ces caractéristiques nous en font le tube idéal pour un montage SRPP.

Comment fonctionne le SRPP ? – Une approche intuitive …

Schéma du SRPP
Au repos, le courant s’établit à 15 mA dans chaque tube et le point de fonctionnement du montage se stabilise à l’exacte moitié de la tension d’alimentation, à +90 Vdc sur l’anode (6) du tube de pied. Supposons l’application d’un échelon de tension positive sur la grille (7) du tube du bas : la tension de cathode (8) va augmenter ainsi que le courant en ‘’tirant’’ la tension d’anode (6) vers le bas. En conséquence la tension aux bornes de la résistance de cathode (3) du haut  va augmenter de la même valeur et provoquer un ‘’recul de grille’’ au tube du haut. Cette augmentation de la polarisation négative de la grille (2) peut être assimilée à l’injection du même échelon de tension mais négatif sur la grille (2) du haut. Nous avons donc bien inversion de phase entre les deux grilles, d’ou le terme ‘Push-Pull’ , et ‘’Série’’ puisque les deux tubes sont raccordés en série.
 
Ce Push-Pull est dissymétrique, le tube du haut fonctionnant en cathode suiveuse et le tube du bas en cathode commune. C’est pourquoi les harmoniques paires ne sont pas éliminées à l’inverse des montages P-P classiques.
L’ensemble est ‘’Régulated’’ ou ‘’Balanced’’ parce que pour un même courant donné dans chaque tube, la tension Vak est identique, ce qui réalise l’équilibre du point de fonctionnement à la moitié de la tension d’alimentation, pour autant que les deux triodes et les résistances de cathodes soient identiques.

Le gain se calcule selon la formule : G= -µ(Ri+µ*Rak) / 2*Ri+(µ+1)*Rak+(Ri+Rak)Ri/RL
L’impédance de sortie : Z= Ri(Ri+Rak) / 2*Ri+(µ+1)Rak
Rak étant la valeur des deux résistances situées en série avec les cathodes.
Pour le schéma en figure 8 :  R2, R3 =100 Ω et RL (charge)= 47 kΩ, le gain est de 22 et l’impédance de sortie de 859 Ω.  La mesure pratique nous donnera 860 Ω pour un gain de 26 dB

Tableau des tensions maximales de sortie :

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

860 Ω

7,3 Vac

700 mVac

20,3 dB

1000 Ω

9 Vac

780 mVac

21,2 dB

2400 Ω

15,5 Vac

1 Vac

23,8 dB

4700 Ω

22 Vac

1,2 Vac

25,3 dB

10 kΩ

28 Vac

1,4 Vac

26,0 dB


L'amplitude maximale en sortie sans charge atteint 80 Vpp.
Le taux de distorsion en sortie sur une charge de 4,7 kΩ fait 0,15% pour 3Vac et 0,05% pour 1 Vac.
Mesures et graphes du SRPP

Une bizarrerie ?

Avec R2, R3 = 1 kΩ et +250 Vdc de tension d’anode, le courant s’établit à 3,2 mA.
La mesure donne 26 dB de gain et 390 Ω d’impédance de sortie.
En effet si la résistance Rak augmente, l’impédance de sortie diminue, mais … la tension maximale disponible diminue également du fait du moindre courant.

Tableau des tensions maximales de sortie :

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

390 Ω

850 mVac

71 mVac

21,5 dB

600 Ω

1,35 Vac

94 mVac

23,1 dB

1000 Ω

2,65 Vac

160 mVac

24,4 dB

2400 Ω

10 Vac

530 mVac

25,5 dB

4700 Ω

27 Vac

1,3 Vac

26,3 dB


L'amplitude maximale en sortie sans charge atteint 77 Vpp.
Le taux de distorsion en sortie sur une charge de 4,7 k fait 0,2% pour 3Vac et 0,07% pour 1Vac. 


Le SRPP contre-réactionné

Schéma du SRPP contre-réactionné
En contre-réactionnant le SRPP d’un facteur de 20 dB, on ramène l’impédance de sortie à 120 Ω tout en conservant un gain de 6 dB (figure 10).

Tableau des tensions maximales de sortie :

Charge en sortie

Tension de sortie max

Tension d’entrée

Gain

120 Ω

2,3 Vac

2,3 Vac

0 dB

600 Ω

11 Vac

6,6 Vac

4,4 dB

1000 Ω

15 Vac

8,5 Vac

4,9 dB

2400 Ω

21 Vac

11 Vac

5,6 dB

4700 Ω

24 Vac

12 Vac

6,0 dB


L'amplitude maximale de sortie sans charge atteint 70 Vpp.
Le taux de distorsion sur une charge de 4,7 kΩ fait 0,035% pour 3Vac et 0,007% pour 1Vac.
Mesures et graphes du SRPP contre-réactionné

Chauffage des filaments

Il faut prêter attention à la tension maximale admissible entre filament et cathode.
En effet, la tension de cathode des tubes supérieurs dans ces types de montages peut aisément atteindre les 200 Vdc or la tension entre cathode et filament est limitée par le risque de claquage et plus sournoisement par le risque d’influence thermoïonique entre le filament (chaud) et la cathode polarisée très positivement.
Cette tension Vfk est toujours spécifiée dans la feuille de caractéristiques techniques.
Ainsi les valeurs limites sont pour une ECC82 : 180 V, une 6SN7 : 200 V.
Il est souvent utile de polariser les filaments des deux triodes à une tension située à mi-chemin entre les deux cathodes.


Conclusion

Chaque circuit a sa raison d’être et son domaine d’application.
Le tableau présenté en figure 12 reprend les essais effectués sur différents tubes pour la même configuration à savoir : le circuit cathode follower, Vak = 110V, Ik = 11 mA et Rk = 10 kΩ selon le schéma de la figure 1.
Le tableau présenté en figure 13 est le résumé de tous les essais.


Le choix d’un étage de sortie est défini principalement par le gain que l’on souhaite obtenir, l’impédance de sortie venant ensuite. Les impédances de sortie sont toutes suffisamment faibles pour piloter un amplificateur ou une ligne à 600 Ω. Les mesures faites pour une impédance de sortie de 2400 Ω sont réalisées dans l’optique du pilotage d’un transformateur de ligne 600 Ω de rapport 2/1.
Une impédance de sortie faible ne s’obtient qu’avec un courant conséquent de l’ordre de 10 mA ou plus.
La tension maximale de sortie et le taux de distorsion sont des éléments secondaires.

En effet, tous les circuits peuvent fournir des tensions de 3 Vac pour un taux de distorsion de l’ordre de 0,1% et donc la différence entre l’une ou l’autre solution est strictement inaudible à l’écoute.
 

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