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AMPLIFICATEUR HIFI - PUSH-PULL de EL95

Projet publié dans la revue Electronique Pratique n°364 de octobre 2011 sous le titre "Amplificateur HIFI - Push-pull de EL95"

Cet amplificateur met en œuvre un système hybride composé d’un push-pull de EL95 piloté par un étage à semi-conducteurs. Il développe une puissance de 2 x 7 W RMS à moins de 1% de distorsion, sa bande passante s’étend de 25 Hz à 30 kHz à -1dB. Présenté en boîtier fermé sous une réalisation très compacte, il permet de sonoriser confortablement une pièce moyenne avec une qualité audiophile.
 
NovoTone - Amplificateur HIFI - Push-pull de EL95

LE PRINCIPE

La pentode EL95 a été conçue pour équiper les meubles radio des années 50 et les amplificateurs à faible consommation comme ceux des magnétophones et des auto-radios (caractéristiques principales). Elle fut abondamment utilisée à partir de 1955 par les majors de la Hi-Fi comme Telefunken, Grundig, Philips, Siemens, et leurs sous-marques. L’avantage certain de ce tube par rapport à son challenger la EL84 est sa faible consommation de chauffage : 200 mA et sa faible tension d’anode de 200 à 250 Vdc. Montée en push-pull, elle développe néanmoins 8 Watts musicaux.


LE SCHEMA
Schéma de l’amplificateur

Le circuit d’entrée

Bien qu‘équipé de transistors, nous avons repris la configuration classique utilisée pour un circuit à tubes: un étage amplificateur d’un gain de 30 dB suivi d’un déphaseur de type cathodyne. De plus l’établissement des polarisations est identique. Les transistors à effet de champ BS107 ou BS108 supportent une tension Vds de 200 Volts, se polarisent avec un Vgs de –2 Volts  pour un courant de quelques milliampères. Ils présentent une pente de 60 mA/V aux faibles courants.

Le transistor Q1 monté en source commune est polarisé à +40 Vdc ce qui par R9 (47 kΩ) fixe le courant à 0,85 mA. La tension du drain chargé par R8 (100 kΩ) s’établit alors vers +150 Vdc. Câblé en source commune, le gain doit être réduit en introduisant une résistance entre la source et la masse. Avec une valeur de 3,3 k
Ω en R11, le gain sans la contre réaction globale s’établit à 30 dB.
Le transistor Q2 est monté en déphaseur. Les signaux aux source et drain sont d’égale amplitude et de phase opposée. Avec une tension d’alimentation de +235 Vdc le signal maximal obtenu peut atteindre 60 Vpp sur chacune des électrodes ce qui est largement excédentaire pour piloter les tubes de sortie.


Le push-pull

Afin d’éviter de devoir appairer les tubes, nous avons opté pour des résistances de cathodes séparées.

La tension Vk s’établit à +9,5 Vdc environ. A ce propos, nous avons constaté une constance étonnante dans les points de fonctionnement de ces EL95. La douzaine de tubes à notre disposition est interchangeable sans grande variation de polarisation, donc de courant cathode. Les anodes sont chargées par le transformateur de sortie d’impédance 10 k
Ω. Les grilles écran sont reliées directement à la haute tension. Le courant de cathode, c.a.d. anode + G2 s’établit à 24,5 mA, dont 20 mA pour l’anode. La dissipation anodique fait 5 Watts et nous fonctionnons en classe AB.
A noter également que l’écrêtage se produit de manière assez douce à l’inverse des amplificateurs à semi-conducteurs.


Le transformateur de sortie

Le modèle choisi est un  Hammond 1609. L’impédance primaire est de 10 k
Ω avec prises à 40%. Le secondaire permet le raccordement fixe de charges de 4, 8 et 16 W. La bande passante s’étend de 30 à 30 kHz pour 10 Watts.
Les prises écrans ne sont pas utilisées, et comme la puissance de sortie du push est spécifiée à 7 Watts, la bande passante descend à 22 Hz à –1 dB.


La contre-réaction

Une portion du signal de sortie, prélevée directement au bornier du HP est réinjectée dans le circuit de source de Q1.

Le taux contre-réaction appliqué s’élève à 12 dB sans qu’il n’y ait d’accrochage ni de « motor-boating ».
Une remarque importante: les étages de sortie des amplificateurs à tubes sont conçus pour être chargés par une impédance bien définie, 10 k
Ω dans le cas présent. Cette impédance est réalisée en chargeant la sortie par l’impédance de charge. En l’absence de cette charge, un amplificateur à tubes contre-réactionné peut se révéler instable!  Par la contre-réaction, l’impédance de sortie est abaissée à 2,6 Ω, ce qui porte le facteur d’amortissement à 3.

Mais pourquoi diminuer la bande passante des éléments actifs du circuit ?
Si la bande passante des circuits est largement supérieure à 100 kHz, la bande passante de l’amplificateur est limitée par son élément le plus faible: le transformateur de sortie. La contre-réaction permet par un amortissement du gain global de linéariser la courbe de réponse en fréquence.  Si cela fonctionne bien en régime sinusoïdal, il en va tout autrement en présence d’un transitoire. En effet, le transformateur de sortie retarde le passage du transitoire et le signal réinjecté dans le circuit de contre-réaction arrive quelques microsecondes plus tard pour contrôler le gain. Pendant ce court laps de temps, les circuits d’attaque saturent les EL95 avant de se stabiliser sous l’action de la contre-réaction. Cette surtension caractéristique est directement visible aux grilles des EL95 en présence d’un signal carré (figure 3).
Le rôle du circuit d’amortissement (R26 - C10) est de limiter la bande passante interne à 30 kHz, de temporiser la progression des transitoires et par conséquent empêcher le fonctionnement non-linéaire du PP. Ce phénomène n’existe pas en l’absence de contre-réaction. Le temps de montée est de 4 µS.

LE CIRCUIT D’ALIMENTATION
Schéma de l’alimentation

Le transformateur torique présente 3 secondaires : 6,3 Vac sous 4 A, 20 Vac et 230 Vac sous 130 mA pour une puissance nominale disponible au secondaire de 58 Watts. Il est disponible chez Wuesten en Allemagne sous la référence TRA801.
Le courant total de chauffage fait 800 mA et pour ce courant la tension secondaire monte à 7,5 Vac. Les résistances R1 & R2 de 4,7
Ω placées en série des filaments sur les cartes amplificatrices la font retomber à 6,3 Vac. La tension filaments est fixée à la masse par les résistances R6 & R7 placées sur la carte alimentation.
L’alimentation haute tension 262 Vdc est stabilisée.  Le but de cette stabilisation est d’abord de maîtriser les variations de tension secteur. Cette tension peut varier de 225 à 240 Vac, et dans ces limites, la variation de HT n’excède pas 1 Vdc. Le transistor Q1, les diodes zener D1 et D2 et la résistance de pied R2 sont montés en source de courant pour le circuit collecteur. Les ‘’1 mA’’ qui parcourent R2 développent aux bornes de R3, R4 et P1 une tension stabilisée qu’on ajustera afin d’obtenir +262 Vdc en sortie.  Cette tension est encore filtrée par la cellule R5 – C5, et est appliquée sur la gate du transistor MOSFET (Q2). La résistance interne de la HT est de l’ordre de 10 Ω ce qui élimine également les risques d’oscillation à basse fréquence du type « Motor boating ». La dissipation du ballast est de 6 Watts pour une tension secteur de 230 Vac. De plus, ce circuit permet de se passer de la self de filtrage « choke ».

Le bruit résiduel de la HT est de 500 µVac et de 40  µVac après R24.
La constante de temps 10 M
Ω – 220 nF a pour effet de temporiser la montée de la haute tension qui met environ 20 secondes pour s’établir. Un commutateur permet de couper temporairement la HT pour les phases de repos.
La consommation au primaire est de 55 VA sous 230 Vac.


MISE EN ŒUVRE

Le boîtier

Comme dans les « sixties » nous avons opté pour un boîtier fermé. Le boîtier disponible chez Conrad sous la référence 520470 mesure 250 x 150 x 100 mm. La taille modeste de ce coffret permet néanmoins d’embarquer tous les composants sans que cela ne se transforme en un fouillis inextricable.

L’usinage du boîtier sera réalisé avant le montage des cartes, la photo C et la figure 5 présentent l’agencement général et les diverses cotes d’usinage. Toutes les cotes sont référencées par rapport à l’axe de symétrie.
Les deux cartes amplificatrices sont placées verticalement et fixées par les 4 vis qui ferment le coffret.
On marquera l’alignement des deux socles RCA sur la face arrière.
Il est prudent de vérifier le marquage à l’aide des divers éléments avant de forer les trous.

Le transformateur d’alimentation est fixé contre le fond du boîtier et la carte alimentation est fixée par la même vis M6 de 55 mm mais positionnée 5 mm au-dessus du transformateur. Les deux papillons en vinyle qui enserrent la carte alimentation sont disponibles au rayon … sanitaire des magasins de bricolage.  Le perçage de Q2 est réalisé « in situ » avec le seul Q2 monté.
La face avant est fournie par la société Schaeffer (photo D) , la face arrière (photo E) ne demande pas une grande précision hormis les passages des deux socles RCA.
Afin d’améliorer la ventilation par convection, il y a lieu sur le capot supérieur de libérer les ouvertures de ventilation. Cette opération très simple se fait à l’aide d’une bonne pince coupante (photo F).
Pour le capot inférieur, nous éliminerons la matière de manière à libérer trois ouvertures de chaque côté situées sous les tubes (photo G). L’opération un peu plus ennuyeuse est effectuée à l’aide d’une mini-disqueuse (type Dremel).
Après s’être assuré que tous les ensembles trouveront leur place, nous pouvons passer au montage des divers composants sur le circuit imprimé.

 
La carte amplificatrice

Le circuit imprimé du module amplificateur mesure 79 x 140 mm. Typon, photo de la carte, implantation des composants .

Les 12 picots de 1,3 mm sont insérés et soudés en premier lieu. Ensuite on soudera les deux supports des tubes. On soudera ensuite les composants par ordre de grandeur croissant. Il y a 5 pontages, le lien HT vers G2 de V2 doit être isolé.
Il est préférable de tester la carte en dehors du châssis. A partir de 30 Vdc de HT, la carte est opérationnelle, un signal en entrée de 100 mVac se retrouve amplifié d’un facteur 5 en sortie. Un test complet nécessite une tension d’alimentation continue variable jusque 260 Vdc ou un auto-transformateur variable. On ne saurait assez insister sur l’utilité de cet appareil quand on travaille avec des tubes. Le premier test se fait sans les tubes: la tension d’alimentation des semi-conducteurs se stabilisera à + 237 Vdc environ et on vérifiera que les tensions présentes aux broches des transistors correspondent bien au plan. Après insertion des tubes, le raccordement des trois fils du primaire du transfo de sortie et sans relier la contre-réaction, il faut alimenter les filaments pendant une minute et ensuite appliquer progressivement la haute tension en surveillant la tension aux anodes et grilles écran (G2) des EL95. Celles ci doivent progresser jusqu’à +262 Vdc. La tension aux cathodes (R22-R23) s’établit à +9,5 Vdc environ.


La carte alimentation

La carte d’alimentation mesure 140 x 43 mm. Typon, photo de la carte, implantation des composants.  Elle comprend : 20 picots de 1,3 mm et embarque tous les éléments de la stabilisation. La résistance R1 de 150 k
Ω est soudée à 5 mm de la carte. Le transistor ballast BUZ80FI ne nécessite pas d’intercalaire ni de canon isolant.
La carte sera testée en dehors du boîtier mais sans charge. La tension s’établira à +262 Vdc après réglage de P1.


Le montage final

Petit rappel : il est recommandé de réaliser la partie mécanique avant l’assemblage des cartes, ce faisant nous éviterons les surprises désagréables.  Avec un marquage soigneux, tous les éléments trouvent leur place sans forcer.

Les faces avant et arrières bien que reliées aux divers éléments sont amovibles.
Les deux transformateurs de sortie sont placés sur des entretoises M4 F-F de 10 mm de haut. Les fils inutilisés sont isolés et enroulés sous les transfos. Les VU-mètres sont fixés à l‘aide d’un ressort tendu entre deux oeillets collés à l’époxy. Tout ce petit monde est enfin interconnecté comme montré sur les schémas.


Les masses

L’ensemble des circuits est flottant. La mise à la masse du châssis se fait en un seul point via la vis de fixation du socle HP (photo L). On s’assurera que sans ce contact de masse, le circuit est bien flottant par rapport au châssis. Si ce n’est le cas, il faudra chercher et lever la fuite coupable.


MISE SOUS TENSION

Dans un premier temps, il ne faut pas raccorder les deux fils de contre-réaction.

Les deux sorties doivent être chargées, pour la sortie inutilisée pendant le test, une résistance de 10
Ω - 2 W fera l’affaire. Basculer les deux commutateurs et vérifier progressivement la montée des tensions jusqu’à obtenir les 6,3 Vac de chauffage et les 262 Vdc de HT. Avec les potentiomètres au maximum, injecter un signal de 100 mVac et monitorer la sortie.  C’est le moment de raccorder les deux fils de la contre-réaction. Le signal en sortie doit s’effondrer d’un facteur 4 (=12 dB). Si au contraire vous constatez un accrochage, il y a lieu d’inverser les deux fils du primaire.


QUELQUES MESURES

Les mesures classiques sur notre prototype vous ont présentées aux figures 10 à 14.

La réponse aux signaux carrés – figure 10 - est excellente. Le dépassement est faible et le temps de montée est de l’ordre de 4 µSec. La fréquence de coupure se situe vers 80 kHz à – 3 dB. L’ajout d’une réactance composée d’une capacité de 1 µF en série avec une résistance de 8 W laisse le signal imperturbable.
La mesure du taux de distorsion à 1 dB de la puissance nominale donne 0,3%. La représentation spectrale à la puissance nominale montre la présence en égale amplitude des harmoniques 2 et 3, mais situées 46 dB sous la fondamentale. Au seuil de 2 % de DHT, la puissance rendue est de 7,5 Watts (figure 12). L’écrêtage commence au-dessus de 7 Weff mais de manière assez douce, ce qui à l’écoute donne l’impression d’une puissance nettement supérieure.  A noter qu’avec une tension de 270 Vdc, la puissance de sortie atteint 8 Watts RMS, mais nous sommes au maximum de la dissipation anodique tolérée.
La mesure de la distorsion d’intermodulation se fait en injectant deux signaux de 60 Hz et 7 kHz dans un rapport de 12 dB (4 à 1). Les deux raies latérales situées à 60 Hz de part et d’autre de la raie à 7 kHz sont à 56 dB du signal pilote à 0 dBV de 60 Hz - figure 11.
La figure 13 montre les bruits et ronflements résiduels, le niveau de référence est placé à –40 dBV.  L’ondulation à 50 Hz se trouve à –77 dBV et les harmoniques suivantes sont inférieures à –80 dBV. Le bruit mesuré en sortie fait 140 µV-Lin ou 50 µVac en pondération A. Ceci nous donne un rapport signal bruit supérieur à 80 dB-Lin pour 1 Watt en sortie.

Spécifications du projet

Nomenclature des composants

Conclusion

Bien que d’une puissance de 2 x 7 Watts RMS, assez modeste au vu de ce qu’on propose aujourd’hui sur le marché de l’audio, nous avons été surpris par la puissance apparente de cet amplificateur. Les graves sont rendues sans traînage et les aiguës avec une excellente précision. Le son très agréable, sans coloration particulière et sans agresser nos sens. Associé à des enceintes de qualité, il restitue la musique classique et le jazz avec une excellente musicalité.

 
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Récapitulatif des photos (Haute définition)
 
 
Galerie des Tubes
 
EL95 Mullard
EL95 Mullard
EL95 Mullard
EL95 Mullard
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EL95 Philips
EL95 Philips
EL95 RFT
EL95 RTC
EL95 Siemens
EL95 Siemens
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EL95 Telefunken
EL95 Telefunken
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EL95 Valvo
EL95 Valvo
EL95 Valvo
EL95 Valvo
EL95 Zaerix